Code PFI

Le gouvernement veut décupler l’usage des partenariats public/privé avec un modèle en tête : la France

Dîtes PFI

“PFI” (Public Finance Initiative) : ces trois initiales provoquent des frissons de volupté aux austères hauts fonctionnaires en charge des comptes publics. Elles correspondent à ce que les Français nomment la “déléga­tion de service public”, ou DSP, soit l’acte de confier un service public à un acteur privé. Un tabou hier ; mais une riche idée pour le ministère du Territoire aujourd’hui, qui a chiffré les dépenses d’infrastructures pendant les cinquante prochaines années à 190.000 milliards de yens. Et qui a calculé que les coûts de maintenance des infras­tructures dépasseront leurs dépenses d’in­vestissements d’ici 2037 si rien n’est fait.

"La solution PFI soulage l’État au moment où ses ressources diminuent du fait du dé­clin démographique, que les coûts d’infras­tructure explosent et que les coûts de la protection sociale grimpent. Et elle ouvre de nouveaux marchés pour le secteur privé" explique Ryosuke Nakamura, du Cabinet du Premier ministre, en charge de ce dossier.

Le gouvernement envisage ainsi de confier l’équivalent de 21.000 milliards de yens de chiffre d’affaires annuel en PFI d’ici 2022. Soit de multiplier par dix le mon­tant de 2016. Trois types d’infrastructure bénéficient en priorité de ce système : les aéroports, les réseaux de distribution d’eau, et les routes. Les aéroports figurent en pre­mière place parce qu’ils sont en général détenus par le gouvernement central et qu’ils offrent des perspectives de crois­sance en raison de la croissance du trafic aérien. Les réseaux de canalisations et les routes sont détenus par les gouvernements locaux et sont plus difficiles à "vendre", car la baisse de la population réduira for­cément leur activité future. La solution PFI enfin devrait surtout être utilisée par les provinces, financièrement exsangues. Tokyo, elle, n’a pas de problème de déclin et ne recherche pas de solution innovante.

Un succès français

Si les marchés publics demeurent fermés aux entreprises étrangères, l’expertise de la France dans ce domaine est très appréciée du gouvernement. “En France vous avez des entreprises qui ont pris en charge des services publics depuis longtemps : Veolia, Vinci, Suez Environnement... À Lyon, voilà plus de cent ans que l’eau est gérée par le secteur privé ! Au Japon aucune entreprise n’a géré de tels services”, explique Ryosuke Nakamura.

Ce qui explique pourquoi le maire de Lyon Gérard Collomb a présenté l’approche sa ville, berceau historique de la DSP, à des potentats locaux lors de son voyage au Japon l’an dernier. Et qui explique, sur­tout, les succès des champions français de cette activité au Japon : en quinze années, JC Decaux s’est imposé comme un acteur incontournable de l’abribus au Japon. Veo­lia a dans le même temps bâti un géant de la gestion des eaux municipales et s’attaque désormais à la gestion des déchets. Et Vinci enfin vient de se voir confier la gestion du complexe aéroportuaire du Kansai (photo), en collaboration avec Orix.

Poissons-pilotes

Les Français servent de poisson-pilote pour ces systèmes. Les entreprises japonaises ne sont pas attirées par ces nouveaux marchés, risqués et pas forcément rentables. Dans les appels d’offres l’État leur propose des rentes très élevées, qui freinent les voca­tions.

Seule Orix s’est portée candidate pour l’aéroport du Kansai, perçu comme un "ballon d’essai" par le gouvernement. "Si l’expérience réussit nous pourrons plus faci­lement proposer des DSP", parie Ryosuke Nakamura. À l’ombre des Français les entre­prises japonaises sont en apprentissage, espérant un jour voler de leurs propres ailes à l’étranger... au risque de concurrencer des Français ?

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