Mélodie en sous-sol

Veolia, discrètement mais sûrement, s’impose

Construits dans les années 70 alors que le pays profi­tait d’une croissance solide, des dizaines de milliers de kilomètres de réseaux d’eaux usées du Japon vont prochainement arriver au terme de leur durée de vie conventionnelle de 50 ans. Les villes de l’Archipel, où l’activité stagne, seront contraintes d’enclencher de très coûteux travaux de modernisation. On parle de 1.000 milliards de yens (7,6 milliards d’euros) par an au cours de la prochaine décennie.
Affolé par ces montants qui pèseront sur les finances des agglomérations moyennes, où le déclin démographique a fait chuter la consommation d’eau et donc les revenus municipaux, le gouver­nement central veut convaincre les collectivités locales de déléguer ces services publics à des ac­teurs privés. Le Premier ministre Shinzo Abe se fait lui-même l’avocat des partenariats publics-privés pour prendre en charge ces infrastructures vieil­lissantes.
Fin octobre il a enregistré une petite victoire avec un premier contrat de ce type dans le secteur du retraitement des eaux usées à Hamamatsu (centre du Japon, 810.000 habitants). Après des années de procédures et un long appel d’offres, la ville a confié pendant vingt ans au groupe français Veo­lia, et à ses partenaires japonais réunis au sein d’un consortium l’exploitation, la maintenance et la rénovation d’une station d’épuration. Sur cette première concession jamais signée au Japon dans le secteur de l’eau, Veolia Japan travaillera avec JFE Engineering, Orix, Suyama Construction et Tokyo Construction. Le groupe table sur un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros pour la durée du contrat. "Nous pourrons optimiser pour eux la gestion de leur actif dans le temps. Cela aura un impact positif sur la facture finale", expliquait dans Les Echos Régis Calmels, président de Veolia pour l’Asie.

LATITUDE
S’il est présent dans plusieurs de ses métiers tradi­tionnels au Japon (eaux usées, recyclage de plas­tique, énergie, nucléaire...), Veolia travaillait pour l’instant essentiellement sur des prestations de ser­vices généralement plus courts et plus restrictifs. Le contrat avec Hamamatsu lui donnera une marge de manoeuvre beaucoup plus large pour appliquer davantage ses solutions et peser dans les achats de renouvellement des équipements de cette station. Elle peut traiter jusqu’à 200.000 m3 d’eaux usées par jour.
En lice sur ce contrat contre plusieurs géants japo­nais du secteur, dont Hitachi, Veolia a démontré sa capacité à optimiser le fonctionnement de l’usine tout en respectant le modèle de l’"utilisateur payeur" exigé par la collectivité. "La rémunération du service sera corrélée au nombre d’utilisateurs finaux, à leur consommation et aux tarifs définis avec la municipalité", explique la société, qui espère rallier d’autres villes avec cette première victoire. "Il devrait y avoir de plus en plus d’opportunités", confiait Régis Calmels, qui mise sur une croissance soutenue de Veolia au Japon. L’archipel génère déjà 30 % du chiffre d’affaires annuel de 1,3 milliard d’euros enregistré par le groupe en Asie.
Malgré la gageure de maintenir la qualité de leurs infrastructures, beaucoup de collectivités hésitent encore à franchir le pas de la conces­sion à des acteurs privés. Elles disent redouter une éventuelle faillite de ces opérateurs qu’elles connaissent mal, questionnent leur implication en cas de séisme et s’inquiètent des consé­quences pour l’emploi dans les structures locales qui gèrent ces services. Un temps intéressée, la ville de Nara a décidé, l’an dernier, de ne pas déléguer la gestion de ses eaux usées à une entreprise privée. Des cadres de la municipalité craignaient que la société privée ne cesse d’ali­menter convenablement certains quartiers pour équilibrer les comptes de l’opération. Nara a pré­féré continuer d’enregistrer une perte annuelle de 200 millions de yens dans sa gestion des eaux de la ville...

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