Sciences de la vie
“Pour les entreprises pharmaceutiques étrangères (le Japon) est pour le moment le meilleur marché au monde (...) les multinationales pharmaceutiques y enregistrent des taux de croissance dignes de pays émergents (12-31%).” - Ira Wolf, Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PhRMA), février 2013.
Les Sciences de la vie au Japon :
Le Japon connaît depuis plusieurs décennies un rapide vieillissement de sa population, dont plus d’un quart était âgée de 65 ans en 2016, contre près de 12% en 1990 ; ce chiffre devrait s'élever à 40% en 2060. La classe d'âge des plus de 65 ans comptant pour plus de la moitié des dépenses de santé, celles-ci devraient continuer à augmenter simultanément avec le vieillissement de la population.
Néanmoins, la modeste croissance économique du pays, la pression sur les prix et les politiques de promotion des médicaments génériques devraient contenir la flambée des dépenses médicales. Le taux de croissance annuel moyen à court terme de l’ensemble de l’industrie des Sciences de la vie est donc prévu de se maintenir à 2,2% au Japon, représentant un revenu total de $128 milliards pour l'année 2018.
Le marché pharmaceutique japonais est le deuxième plus grand au monde, derrière les Etats-Unis. Les ventes estimées pour l'année 2013 ont atteint $115 milliards, représentant une part du marché mondial des produits pharmaceutiques et des équipements médicaux d’environ 10%. Le Japon se place également en troisième place pour la biotechnologie et la médecine. Le marché du génome est lui, estimé à $6,5 milliards d’ici 2020.
Le système de sécurité sociale universelle auquel tous les résidents doivent en principe participer, fait que la majorité des soins sont financés publiquement. Afin de contrôler ces dépenses le gouvernement a donc lancé un certain nombre d’initiatives visant notamment à encourager la consommation des médicaments génériques, l’autogestion des patients atteints de maladies chroniques et la médecine préventive. Le rapport biennal de l'assurance santé nationale (National Health Insurance-NHA) d’avril 2014 a cependant déclaré le maintien du système de prime temporaire sur le développement de médicament afin de promouvoir la recherche dans le secteur en soutenant les prix des médicaments brevetés. Grâce aux nombreuses mesures du soutien, le Japon est le leader mondial en R&D (22% de la recherche mondiale, dont 80% dans le secteur privé). La stratégie médicale du gouvernement affiche donc une détermination d’assurer à la société une longue espérance de vie en bonne santé, ainsi que la croissance économique grâce à des services et des technologies médicales de pointe.
Les différents secteurs :
Le secteur des Sciences de la vie regroupe en particulier les domaines suivants :
- Les dispositifs médicaux :
comprennent les instruments chirurgicaux endoscopiques, les robots d’aide chirurgicale et les systèmes d’imagerie diagnostique (IRM). Ce secteur a connu une croissance de 103% entre 2012 et 2013, s'élevant ainsi à ¥2,6757 milliards, avec près de la moitié de cette somme composée des importations de sociétés étrangères. Le marché des instruments chirurgicaux était de ¥24,5 milliards en 2014 (105% de plus qu’en 2013) ; ce marché est prévu d’atteindre ¥27,6 milliards en 2018. Les entreprises étrangères disposent d’une avance dans le développement de l’aide aux fonctions biologiques et ont un potentiel de croissance annuelle de marché de 6,8% jusqu’en 2020.
Le marché des équipements opératoires a lui une croissance annuelle estimée à 8% jusqu’en 2020. Le domaine des robots d’assistance chirurgicale est dominé par le robot da Vinci de la société “Intuitive Surgical Inc.” Concernant les dispositifs d’imagerie diagnostique, le Japon possède le plus grand nombre de dispositifs d’IRM par personne au monde pour une taille totale de marché s'élevant à ¥53,1 milliards en 2014. Le moteur de la demande dans ce marché étant le remplacement des dispositifs, ce marché ne devrait connaître qu’une croissance limitée (¥54,7 milliards en 2018). Les principaux acteurs du secteur sont Philips, Siemens Japan et Hitachi Medical.
- Les produits pharmaceutiques :
Le volume du marché japonais des produits pharmaceutiques s'élevait en 2013 à ¥9,8416 milliards (101,9% par rapport à 2012), avec près d’un tiers en importations de sociétés étrangères (contre 24% en 2009). Le marché japonais se distingue par sa forte augmentation des ventes de substituts génériques, tandis que le marché des médicaments listés à long terme se contracte à cause de l’introduction de la politique de surprix appliquée aux produits innovants. Les produits avec surprix occupent 34% du marché, suivis de peu ceux dont le brevet a expiré (30,9%), les autres médicaments (26,5%) et les génériques (8,7%).
Les médicaments génériques et médicaments biosimilaires sont deux marchés à très fort potentiel de croissance. En matière de génériques le gouvernement japonais a fixé l’objectif de 80% d’ici 2020. La croissance annuelle estimée de ce marché s'élève ainsi à 9,3%, représentant une taille de $5 milliards en 2020. Le marché des médicaments biosimilaires est lui aussi en croissance, stimulé par les médicaments à base d’anticorps pour atteindre ¥11 milliards en 2014. Les travaux sur les biosimilaires ont débuté à la fin des années 2000 suite à l’approbation des normes et directives les concernant, et désormais de nombreux brevets commencent à expirer, attirant les sociétés à pénétrer le marché.
- La médecine régénératrice :
La Loi sur les activités pharmaceutiques (Pharmaceutical Affairs Law, PAL) autorise depuis sa révision en novembre 2014 un médicament dont l'efficacité est présumée et sa sécurité confirmée de recevoir un traitement spécial permettant une mise sur le marché plus rapide, avec une validité limitée dans le temps (7 ans en général). Le processus de commercialisation accélérée et le décernement du Prix Nobel de Physiologie ou Médecine à Shinya Yamanaka, pour sa recherche dans ce domaine, ont contribué à rapidement faire progresser la recherche au Japon. En 2013, la Loi sur la sécurité de la médecine régénératrice a permis de finir d'établir le système juridique de la promotion de la médecine régénératrice, faisant du Japon un excellent environnement d’affaires où la R&D en Sciences de la vie y a atteint le sommet mondial, à la fois sur les plans quantitatifs et qualitatifs.
- Le marché des soins de santé :
Un tiers des dépenses des établissements médicaux relève du traitement de maladies liées au mode de vie. Le gouvernement cherche donc à activement réduire ses dépenses médicales qui y sont liées en favorisant l’industrie des services préventifs et de prise en charge, notamment en dehors de l’assurance maladie publique. Les objectifs sont multiples : promouvoir la santé de la population, réduire les dépenses médicales et créer de nouvelles industries en promouvant l'automédication ; le marché des soins devrait s'élever à ¥10 milliards en 2020.
Grâce à la réforme du système de santé menée par l’Agence du médicament et des dispositifs médicaux (Pharmaceuticals and Medical Devices Agency, PMDA) le marché des soins de santé connaît une forte expansion. Le gouvernement japonais soutient activement l'amélioration de l’infrastructure réglementaire, notamment en promouvant la création d’un système régional de sociétés dans ce domaine en encourageant l’alliance inter-entreprises par le biais d’une loi entrée en vigueur en 2015.
La gestion centralisée de plusieurs établissements médicaux permet la construction de larges bases de données médicales qui peuvent être analysées en temps réel. D’ici 2020 le gouvernement ambitionne également de généraliser l’utilisation de dossiers médicaux électroniques dans 90% des grands hôpitaux, ainsi que d'étendre les réseaux de partage de dossiers médicaux entre établissements et l’utilisation de tablettes électroniques pour partager les dossiers dans l’ensemble du pays d’ici fin 2018. La PMDA a également prévu d’investir ¥132 millions pour recruter 13 employés à temps plein.
Avec la pénurie de main d’œuvre du pays, les robots sont de plus en plus utilisés dans le domaine des soins infirmiers à domicile pour remplacer le personnel soignant manquant. Le plan quinquennal pour le développement des robots destinés aux soins infirmiers lancé par le Ministère du Commerce et de l’Industrie incite le développement de robots à usage pratique et de systèmes de surveillance pour personnes atteintes de démence (5,2 millions de japonais en 2015, un chiffre en très forte hausse), notamment à travers l’organisation d’un concours. Les sociétés dont les produits ont été promus au concours du Ministère de l’Economie et de l’Industrie sont des sociétés japonaises telles que Fuji Machine MFG, Panasonic et CYBERDYNE. Le marché des dispositifs robotiques pour les soins infirmiers devrait atteindre ¥403,3 milliards en 2035.
Le domaine de la médecine personnalisée connait également une bonne évolution en raison de la forte expansion des médicaments à cible moléculaire et devrait atteindre ¥914,3 milliards en 2018. Les principaux acteurs sont Mitsubishi Tanabe Pharma, Chugai Pharmaceutical, Pfizen, et Novartis Pharma.
Le marché des équipements et services de promotion de la santé incitant à l’initiative personnelle est également porteur d'opportunités, considéré par le gouvernement comme vecteur de réduction des dépenses publiques dans le domaine médical. Ce marché comprend le matériel de surveillance de la santé, les équipements permettant de recouvrer la santé chez soi (matériel d’exercice), unités pour soins du visage et les dispositifs de traitement tel que le matériel de thérapie électrique. Les principaux acteurs sont Omron Healthcare, Panasonic et Terumo.
En avril 2016 un système de traitement à la demande du patient a été lancé pour permettre de recevoir un traitement médical encore non-couvert par l’assurance, ainsi qu’un traitement couvert, peu de temps après en avoir fait la demande au Ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être. Cette levée de l’interdiction des services médicaux mixtes crée des opportunités pour les sociétés qui souhaiteraient offrir des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux pas encore autorisés au Japon.
Le Ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être travaille aussi sur la réalisation d’un système de soins communautaires complets d’ici 2025, qui fournirait de manière intégrée le logement, les soins médicaux, les soins infirmiers, les services de prévention et l'aide à la dépendance pour permettre à la population de vivre dans un cadre familier tout en recevant des soins médicaux intensifs. Nécessitant l'intégration des technologies de partage d’information, le secteur de la santé coopère avec celui des technologies de l’information pour développer ce système de soins. Fujitsu et NEC développent par exemple leur activité dans ce domaine en utilisant respectivement les méthodes “HumanBridge EHR Solution” et “ID-Link”.
Les efforts gouvernementaux
Dans sa stratégie de stimulation du secteur pharmaceutique le gouvernement a entrepris de nombreuses initiatives pour faciliter l’environnement de développement des nouveaux médicaments.
L’une des mesures phares est un surprix désormais applicable sous certaines conditions aux nouveaux médicaments mis en place pour faciliter le développement de médicaments innovants tout en réduisant l’usages de médicaments hors notice. Ainsi, ce système maintient le prix des nouveaux médicaments lorsque les génériques équivalents ne sont pas encore disponibles et y ajoute un surprix. Grâce à cette mesure introduite en 2010, la réduction du prix des médicaments lors de leur révision (d’environ 6,5% tous les deux ans) n’a plus lieu ; cet ajustement a considérablement amélioré l'écosystème du développement de nouveaux médicaments.
En 2014, un régime d'autorisation accélérée des médicaments nommé “Sakigake Package” a été proposé par le gouvernement. Celui-ci a pour objectif de permettre la distribution d’autorisations précoces aux médicaments innovants développés au Japon, avant qu’ils ne le soient dans d’autres pays s'ils font preuve d'efficacité au stade précoce des essais cliniques. En autorisant l’usage de médicaments non approuvés mais remplissant certaines conditions, le régime vise à accélérer le traitement de maladies graves avant les autres pays. Plus généralement, le gouvernement a également lancé une campagne de promotion pour le développement de médicaments non approuvés remplissant des besoins médicaux non satisfaits en 2009, pour des maladies comme l’Alzheimer, le diabète, et le cancer (30% du total de décès du pays). Une vingtaine de filiales de sociétés étrangères en ont déjà bénéficié.
ERROR: Content Element with uid "5504" and type "fluidcontent_content" has no rendering definition!
Il y’a encore une dizaine d'années le terme anglais “lag” (décalage en anglais) était utilisé pour décrire la procédure d'autorisation de produits pharmaceutiques. Néanmoins la politique d'amélioration des délais d’autorisation de mise sur le marché de médicaments lancée en 2005 a permis d’y remédier. Ainsi, en plus de l’autorisation précoce de médicaments, le nombre d’examinateur à la PMDA a été fortement augmenté, rendant aujourd'hui la mise sur le marché de nouveaux médicaments souvent plus rapide au Japon qu’en Europe ou aux Etats-Unis.
En matière de médicaments orphelins le gouvernement cherche à promouvoir la R&D, notamment à travers des programmes de subvention aux sociétés de la part par le biais de l’Institut national d’innovations biomédicales (National Institute of Biomedical Innovation, NIBIO), ainsi que leur partielle exemption d'impôts des frais de développement. Environ 20 sociétés étrangères ont déjà bénéficié de ce système.
La politique incitative du gouvernement japonais facilitant le développement et la commercialisation de produits médicaux rend ainsi le marché japonais très attractif pour les sociétés pharmaceutiques françaises désireuses d’y étendre leurs activités.
La France au Japon :
Parmi les 20 entreprises pharmaceutiques au plus fort chiffre d’affaires au Japon, 8 sont des entreprises étrangères implantées telles que Pfizer, MSD, Novartis Pharma, Sanofi, et AstraZeneca.
Le pays s’ouvre aux entreprises étrangères souhaitant s’implanter par le biais d’aides financières, de soutien à la création de bureaux locaux, etc., proposés par différentes régions aux entreprises exerçant dans le domaine des sciences de la vie. Entre autres, Kobé et Kanagawa disposent d’environnements adaptés pour mener des projets R&D, des tests cliniques et donner des conseils réglementaires. Le cluster de Kobé rassemble plus de 6700 employés et 280 entreprises, dont plusieurs françaises.
La France est le 4ème fournisseur du Japon dans le domaine pharmaceutique (après l’Allemagne) avec 222,02 Mds JPY (1,84 Md EUR) exportés en 2014, soit quasiment 7% des importations japonaises dans ce secteur. La coopération scientifique entre les deux pays est très dense, notamment en termes de mobilité étudiante et de chercheurs. En outre, la France est le 4ème partenaire scientifique du Japon. Le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a dans le passé particulièrement encouragé la coopération scientifique dans le domaine de la robotique avec l'AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology).
En novembre 2016, deux accords de coopération scientifique ont été signés entre l'Université de Kyoto et de Tokyo sur le développement de deux unités internationales de recherche. Le partenariat avec l'Université de Kyoto porte sur la coopération dans le domaine de la génétique humaine et des maladies infectieuses. Le second accord a été la première étape vers la création d’une nouvelle unité internationale se penchant sur la complexité de l'immunité mucosale et de la réponse post-vaccinale. Ces différentes missions permettent de soutenir la mobilité de jeunes scientifiques et de promouvoir la coopération trilatérale entre les instituts de recherche japonais et le réseau des Instituts Pasteur.
Certaines entreprises françaises se sont implantées à l’aide de joint-ventures, comme le groupe Pierre Fabre associé avec Shiseido, faisant d’Avène l’une des marques étrangères leader sur le marché japonais du skincare aux peaux sensibles (250.000 unités de l’“hydrance aqua cream-in-gel” vendues au Japon pendant le 2ème semestre 2015). Pierre Fabre a également investi dans la création d’un centre régional de développement (Asia Innovation Center PFDC) basé au Japon afin de développer des innovations locales.
Les brevets de nombreux médicaments ”blockbusters” ayant expiré en 2012, les grands laboratoires globaux recherchent de nouvelles technologies pour améliorer la performance de leurs pipelines. Ainsi, de nombreux groupes pharmaceutiques japonais sont désireux de réaliser des opérations de fusion et acquisition et à conclure des partenariats avec des entreprises étrangères pour diversifier leur activité, rattraper leur retard en présence internationale et en R&D. Le premier laboratoire japonais, Takeda Pharmaceuticals (avec le français Christophe Weber comme PDG depuis juin 2014) a par exemple racheté l’entreprise Suisse Nycomed pour $14 milliards, en a fait plus d’une dizaine d’autres acquisitions depuis. Il existe donc un fort besoin en capitaux et en financements de R&D, offrant aux entreprises françaises des opportunités pour la mise en place de nombreux partenariats.
Conclusion :
Le secteur de la santé a été défini comme stratégique pour la croissance économique du pays dans sa « Stratégie de Revitalisation du Japon » et jouera donc un intérêt capital pour répondre aux défis démographiques, économiques et sanitaires du pays.
Pour pénétrer ce marché les sociétés étrangères doivent souvent privilégier la formation d’une filiale à cent pour cent ou l'établissement des coentreprises avec des entreprises locales. Mais une fois le marché pénétré, les opportunités de R&D, de collecte, et de fourniture d’information peuvent se partager bien au-delà du seul marché japonais et servir d’aspect compétitif aux sociétés françaises qui s’y implantent.
Sources :
http://m.ccifj.or.jp/article/n//fba-2016-focus-sur-pierre-fabre-le-japon-comme-source-dinnovation/
https://jp.ambafrance.org/Signature-d-accords-de-cooperation-scientifique-entre-l-Institut-Pasteur
https://www.jetro.go.jp/ext_images/fr/invest/attract/pdf/fr_2016_life.pdf
https://www.economist.com/news/business/21572235-best-market-world-right-now-regenerative-medicine